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Signature de Guilin, artiste contemporain 


Guilin

Ghislain Moret de Rocheprise, alias Guilin, est un artiste numérique français né en 1972. Après des débuts techniques, il crée des ponts entre art et science et se tourne vers la création artistique, mêlant nouvelles technologies et art contemporain. En 2010, il fonde Atelier Lithias, alliant sculpture robotique et savoir-faire artisanal, tout en collaborant avec des artistes et des institutions renommés. En 2018 il expose au Palais de Tokyo à Paris en duo avec Clément Cogitore. 

Depuis 2019, Guilin se concentre sur l'exploration des capacités créatives de la photomodélisation, manipulant le digital comme une matière première. Il magnifie les imperfections des processus technologiques, créant des œuvres qui interrogent notre rapport au réel, parlent de nos incomplétudes, et célèbrent la liberté de l’incertitude.

Guilin puise son inspiration dans la confrontation entre plusieurs réalités. La réalité de notre civilisation, contemporaine, scientifique, technologique et égocentrée. La réalité de notre monde biosphère, à la fois impactée et désintéressée par nos gesticulations. Et la réalité du sensible, perceptible, invisible ou tangible selon l'intensité de l'attention que chacun décide d'investir en chaque instant. 

Pour exprimer ce qu'il perçoit, il part en explorateur de ce que la technique engendre comme nouvelles capacités créatives. Il explore en particulier les multiples facettes des technologies numériques, invente de nouvelles capacités créatives, repousse les limites et exploite les artefacts apparaissant à la frontière entre l'usage maîtrisé et l'aléa technologique. Les traces d'un outil sont, selon le regard qu'on lui porte, des défauts ou des graphies. Les outils numériques ne font pas exception; de la trace laissée par le robot de sculpture dans la pierre dure, aux "glitch" des scanners 3D rebondissant sur une surface brillante, toute technique génère des imprévus. On peut les combattre et vouloir un monde propre et lisse. On peut aussi les explorer, les accepter, les rendre désirables et poétiques.

"Que la technique s'efface, et laisse place à la poésie". Dépassant les outils et la technique, Guilin crée des œuvres sensibles. Il crée en acceptant et magnifiant les altérations hasardeuses intervenant au fil de différents processus de numérisation et de traitement des données numériques. Il parle du Monde, tel qu'il est. Il compose, et propose des points de vue au public, le laissant juge de les appeler œuvres d'art lorsque l'impression qui s'en dégage le justifie.


photo Point de vue sur la gras, Nicephore Niepce

Positionnement

En 1827 Nicéphore Niépce réalise “Point de vue du Gras” qui marque autant une avancée technique qu'une révolution sociale et culturelle. Par cette invention, Niépce permet à quiconque de devenir témoin du réel depuis sa fenêtre, partageant un regard individuel sur une réalité commune. La photographie n’est cependant qu’un point de vue partiel, le fragment d'une réalité plus vaste.

De cette démarche est né le photojournalisme, qui capture des fragments d'événements et construit une version de la réalité. L'image, diffusée à grande échelle, choisit ce qu’elle montre et omet une complexité plus globale. 

Ce processus de sélection souligne une vérité fondamentale; un point de vue n'est jamais qu'une représentation incomplète de la réalité. Lorsqu'une photographie semble capturer l'exactitude d'un moment, elle n'est qu'un découpage du réel limitée par l'objectif, l'angle, la lumière; une expression partielle et subjective du monde. 

Déjà conscients de cette limite, les impressionnistes ont abandonné l'illusion de la représentation totale et précise, au profit d'une “impression” de la réalité. Plus tard, le cubisme élargira cette exploration en décomposant les formes, superposant les perspectives, en montrant les objets sous des angles multiples, questionnant ce qui est vu et ce qui est omis.

Pour les philosophes du XXe siècle cette limite revêt un nom : l’incomplétude. L’incomplétude fait partie intégrante de la manière dont nous percevons le monde, toujours parcellaire.

Démarche

Mon travail s’inscrit dans ce rapport à l’incomplétude et la multiplicité des points de vue, qui est une résonance de la discussion entre art, photographie, et regards fragmentaires.

Je m’appuie sur la photomodélisation, une technique où chaque œuvre est constituée de multiples prises de vue, capturant le même sujet depuis différentes perspectives. J’utilise les algorithmes pour retenir ou filtrer les éléments tangibles, les sous-parties de visuels constants d’un point de vue à l’autre, créant un nuage de points colorés, une reconstruction altérée de la réalité dans laquelle je cherche mon propre point de vue.

Mon travail n'est pas une vérité absolue. Je m’écarte des injonctions de la représentation en haute définition. Je laisse des vides là où la donnée est incomplète. Ces espaces sont des invitations à l’interprétation. L’œuvre reste ouverte, prête à se transformer à travers le regard, les impressions et les émotions de chacun. L’image n’est pas une fin en elle-même, mais le point de départ d’une multitude de perspectives, une ouverture vers l’infini des interprétations possibles.

Ainsi, mon travail se situe dans le prolongement de cette révolution initiée par Niépce : montrer que le réel ne se laisse jamais capter dans sa totalité. Un point de vue reste un fragment subjectif parmi une infinité d’autres. 

En créant des œuvres multi-perspectives et incomplètes, j’invite chacun à participer à cette construction collective de la réalité, une réalité partagée autant que personnelle.


Projet 

Ma réflexion actuelle se concentre sur le thème de l'incomplétude. Je m'efforce d’y revisiter la démarche photographique, et de m'approprier la posture de l'ingénieur-artiste qu’ont eu Niepce et Daguerre, en revenant aux contraintes traditionnelles de la fabrique d'une image non instantanée, grâce à la photomodélisation. J'intègre dans ma réflexion les traces de la technique, et les rapports entre définition de la composition, et résolution du tirage et de son interprétation.

Je développe le projet  de produire des “Points de vue incomplets”, qui m'emmène plus loin dans l'exploration de ces rapports entre création numérique, procédés de tirages, et interactions avec le public. 

La notion de traces est le fil rouge de mes créations. J’assume toutes les traces des moyens technologiques que j’utilise, volontaires et accidentelles, comme éléments de vocabulaire graphique permettant de raconter des histoires. J’étire désormais mon exploration vers une nouvelle catégorie de traces : celles de nos humanités.

Je me place en observateur de l’invisible visible.  Je développe mon travail sur le thème des traces sociales que nos contemporains cachent à la vue de tous : les tags, les graffitis, les signaux publicitaires, les indications urbaines, etc… Ces éléments formels, parfois voués à la destruction, parfois conçus pour durer, parfois d’un formalisme très officiel, parfois cri d’amour ou de haine.

Les enregistrer, créer un point de vue, puis les formaliser sur papiers ou sur supports urbains recyclés, pour les visibiliser hors contexte. Parce qu'in fine, le numérique n'est pas que virtuel.

Processus créatif

illustration d'un nuage de points dans le processus créatif de GuilinPhotomodélisation : (n.f.) technique permettant, à partir d’un ensemble de photographies d’un objet, de créer son modèle 3D.

Nuage de points : (n.m) ensemble de points de données dans un système de coordonnées à trois dimensions. Ces points se définissent en général par les coordonnées x, y et z et servent souvent à représenter la surface extérieure d'un objet, ou ses variations de densités internes.

J'ai utilisé de nombreuses technologies pour acquérir la trace du monde. Photographie. Stéréo-photographie. Scanners 3D. Lidar. Bras polyarticulés. Micro-tomographe à rayons X. Photogrammétrie. Modélisation 3D. Ils ont des champs d'application et des esthétiques différents. Ce qu'ils ont en commun? Tous sont des instruments disponibles pour faire de l'acquisition, représenter ce que l'on rencontre, dans le domaine du visible ou de l'invisible, et que l'on souhaite pouvoir raconter.

Témoigner du monde.


guilin, tableau M41LL0L art contemporainJe connais les protocoles d’acquisition optimum. J’en ai écrit moi-même certains. Chercher à enregistrer mon sujet de manière parfaite ne m’intéresse plus. Je ne cherche pas à être méthodique. Je ne collectionne pas des objets, je dialogue avec mon environnement. 

La photomodélisation est devenue ma technique de prédilection. Je l'utilise d'une manière non conventionnelle, je cherche dans des chemins non explorés des représentations suffisantes, sans objectifs d'idéalisation.

Selon le sujet, je prends de 5 à 200 photos. Ce qui bouge, ce qui brille, ce qui varie d’une photo à l’autre, va disparaître.

J’en suis conscient.



extrait du processus créatif de M41LL0L


Guilin, Le maset, tableau art contemporain, photomodélisation Il y aura des manques. Et des apparitions étranges. Le ciel peut se matérialiser, et un mobilier se dématérialiser.

Je m’ouvre à la surprise.

Ce que je ne représente pas, un espace vide, l’incomplétude de la capture du monde autour de moi, est comme un dialogue. Comme si le monde souhaitait me montrer autre chose que l’image complète de la photographie instantanée.

Le mouvement, le temps, les variations, s’impriment en creux dans le rendu final.

Le photographe n’est plus le seul maître de son travail. Son point de vue est incomplet. Il en émane une impression, une liberté destinée au ressenti de l’observateur. 

Une place pour les émotions.




Guilin, tableau La terrasse sous la pluis, art contemporain, photomodélisationJamais je n’invente, le réel me suffit.

Parfois ce que le monde me laisse à présenter est très explicite. Parfois non. Le figuratif n’est pas un objectif.

J’imprime en haute résolution une image du monde en basse définition. 

Une des formes du flou.

photos pour le tableau La terrasse sous la pluis, Guilin, photomodélisation, art contemporain